S’unir pour l’égalité des droits, l’égalité des chances, le respect de l’usage des règles, l’indépendance et l’efficacité de la justice.

VI.1.L’égalité des droits : une nécessité à réaffirmer

L’égalité des droits est une nécessité incontournable, un prérequis sociétal non négociable. Héritage révolutionnaire, elle vise à assurer les citoyens que la justice s’exerce indépendamment de leur origine, de leur croyance ou de leur sexe. Elle se double aujourd’hui de la nécessité d’assurer le plus équitablement possible les conditions de l’épanouissement des êtres, de leurs mérites et de leurs talents, de veiller à ce que les règles valent pour tous et que la justice exerce efficacement ses prérogatives indépendamment du pouvoir exécutif. Elle passe par une réduction des inégalités financières qui nécessite de faire converger un certain nombre de mesures parmi lesquelles « la principale force de convergences est le processus de diffusion des connaissances et d’investissement dans les qualifications et la formation. » 1 Ce processus est « le mécanisme central qui permet à la fois la croissance générale de la productivité et la réduction des inégalités […] il s’agit fondamentalement d’un processus de diffusion des connaissances et du partage du savoir – bien public par excellence -, et non d’un mécanisme de marché ».2

VI.2.L’égalité des chances : un combat à réinvestir

Agir pour l’égalité des chances, c’est pallier aux difficultés que l’on rencontre pour accéder à la culture, à l’enseignement, à la formation, à l’activité professionnelle et au logement lorsque ses propres parents ont eu eux-mêmes des difficultés pour y accéder, ou à cause d’une situation de handicap. Ce combat, pour tous ceux qui, attachés aux valeurs de la fraternité et de la culture, doit être mené avec la plus grande énergie. Car pour ce qui est du handicap, malgré la loi de 2005, la France accuse encore un inadmissible retard dans l’accompagnement des personnes concernées et cela dès l’enfance. En effet « de nombreux enfants restent sans solution de scolarisation ou pris en charge de manière inadaptée à leurs besoins. » 3 D’une manière plus générale, le handicap et ses aspects médicaux renvoient à une politique de santé qui doit pouvoir mieux gérer le parcours de vie des personnes. Les recommandations du conseiller d’État Denis Piveteau en 20144 sont à cet égard fondatrices et méritent la plus grande attention.

Pour ce qui est de l’importance grandissante du poids de la famille pour accéder au plus haut niveau de qualité dans les domaines cités plus haut, le constat est simple : le capital culturel – niveau de diplôme, niveau culturel et social – est toujours un des facteurs les plus déterminants, celui qui, accompagnant le capital économique, permet le mieux de faire face à un chômage et un coût du logement élevés et inégalement répartis sur le territoire. Il est étroitement lié à celui des parents.

VI.2.1l’accès à la culture

VI.2.1.a)le poids du diplôme pour la fréquentation des œuvres,

« Persistance de fortes inégalités sociales et territoriales d’accès à la culture », c’est ce que conclut l’étude du ministère de la Culture sur la période 1973-2008.5 La pratique culturelle est toujours supérieure chez ceux qui ont le niveau de diplôme le plus élevé, et le plus souvent les revenus les plus élevés, alors qu’elle est toujours plus faible chez les employés et encore plus faible chez les ouvriers, nettement moins diplômés. Quand je travaillais dans ce département du Ministère je me souviens d’une réunion de réflexion autour de la question « peut-on oublier Bourdieu ? » c’est à dire globalement la question de la reproduction sociale. C’était il y a un peu plus de vingt ans. Depuis, malgré des évolutions sociales et technologiques et la conduite au baccalauréat de près de 80 % d’une classe d’âge la structure sociale de la pratique culturelle n’a pas changé. Ce qui explique pourquoi 48 % des français en 2016 ont le sentiment que ces inégalités ont un peu (34%) ou beaucoup augmenté (14%) et qu’ils sont 55 % à réclamer que les pouvoirs publics favorisent davantage l’accès à l’art et la culture6.

L’accès à la culture est donc inégal, mais qu’entend-on exactement par accès ? S’agit-il de faciliter le contact d’un public avec des œuvres de qualité en les plaçant à proximité et à un coût abordable, ou bien s’agit-il de faciliter le contact de praticiens avec un matériau ? Le bons sens opterait pour les deux formes d’accès de manière équilibrée puisque le contact avec des œuvres peut susciter l’envie du contact avec le matériau – son, lumière, matière, image – qu’il soit naturel ou numérique, contact qui, à son tour, suscite l’imagination et le désir de créer, d’interpréter, d’improviser bref de faire, avec en prime des sens plus aiguisés pour mieux comprendre et apprécier…les œuvres. En 2008, pour la seule pratique amateur de la musique, de la danse et du théâtre, le Ministère de la Culture estimait à douze millions le nombre de français de plus de 15 ans qui en étaient adeptes, et montrait « que les praticiens sortent plus au spectacle professionnel et amateur que la moyenne des Français de 15 ans et plus, quel que soit le genre du spectacle »7.

Sous l’égide d’André Malraux, la politique culturelle fut essentiellement une politique de fréquentation des œuvres, c’est à dire une volonté de démocratiser le contact direct avec les œuvres. A part l’heureuse multiplication de structures physiques dédiées à la pratique artistique, avec le développement des conservatoires et des écoles de musique sous la supervision de Marcel Landowski, l’effort public, a surtout porté sur la conservation et la mise en valeur du patrimoine, y compris cinématographique, la création – des commandes publiques, le soutien au cinéma, le Centre National d’Art Contemporain – ou encore la diffusion avec les Maisons de la Culture. Telles furent les préoccupations majeures du premier ministre de la Culture de la V° République. Indéniablement cette politique de l’offre culturelle à laquelle s’ajouta une politique rationnelle de planification et de déconcentration des moyens, a permis à des millions de français d’avoir une plus grande proximité avec les œuvres, en fréquentant plus facilement et plus souvent celles du passé comme celles du présent contemporain.

Depuis cette époque, le Ministère de la Culture a continué son action dans ces différents champs, avec une préoccupation plus forte sur les équipements de conservation, de création et de diffusion d’excellence, en particulier parisiens avec le Centre Pompidou, L’IRCAM, le Musée d’Orsay, l’Opéra Bastille, et la cité de la musique – rien que cela ! – mais aussi en province avec le développement des scènes nationales notamment. La décentralisation a encouragé l’implication des collectivités locales qui consacrent progressivement plus pour la culture que le ministère dédié: 7,6 milliards d’euros en 20108 contre 4,2 milliards9, sachant que l’ensemble des dépenses de l’État en la matière représentent un montant de 13,9 milliards en 201210. La politique pro-œuvre visant à augmenter la proximité géographique, la qualité des prestations, la diversité, le dynamisme de la création et de la diffusion – par exemple avec les quotas obligatoires de diffusion de 40 % de chansons françaises sur les chaînes de radio – et visant à contrôler les prix – subventions pour l’opéra, prix du livre – ont toujours dominé l’action de l’État au détriment d’une politique suffisante d’éducation artistique et de soutien à la pratique amateur, et ce, dans un contexte où la part du ministère de la culture a rarement dépassé un pour cent du budget de l’État.

VI.2.1.b)le déficit de pratique artistique.

L’importance nationale accordée à la pratique artistique, malgré la part considérable que cela représente parfois dans les budgets communaux et intercommunaux, est toujours insuffisante. Alors que ce qui est en jeu pour le praticien est loin d’être anodin comparativement à la seule fréquentation des œuvres  : c’est un travail sur le temps, l’espace et le matériau mais aussi un travail de découverte et de maîtrise de soi et de son corps, de sa sensibilité et de ses émotions, qui permet la verbalisation, l’expression et le partage en augmentant ses connaissances, sa concentration, et sa mémoire. En matière artistique, la politique pro-œuvre doit donc être doublée d’une politique pro-pratique qui aura des effets bénéfiques sur les corps et les esprits tout en contribuant à améliorer la fréquentation des œuvres.

On peut alors s’interroger sur les engagements publics culturels lorsque l’on compare, par exemple ce que le ministère consacre aux conservatoires en 2015, soit 5,5 millions d’euros, qui passent tout de même à 13,5 millions dans le budget 2016 puis à 16,9 millions pour 2017 et ce qu’il permet à France Télévisions de dépenser pour des programmes de variété, de jeux pour le divertissement : 168 millions d’euros. On pourrait se poser la même question pour les 316 millions consacrés aux fictions, aux séries et aux téléfilms. Bien sûr la redevance sert à payer cela. Sauf que l’état a du remettre au pot 104 millions en 2014 après avoir donné 249 millions en 2013 et 436 millions en 201211. Soit la bagatelle de 789 millions d’euros sur trois ans. La question qui se pose est celle de la carence de l’offre. La légitimité de l’action de l’État est précisément d’intervenir pour combler les carences du service public. Je ne doute pas que le divertissement soit nécessaire. Mais peut-on dire pour autant qu’il y ait une carence dans le domaine du divertissement audiovisuel telle, que l’État se sente obligé d’intervenir pour la combler? Qu’il y ait une carence telle dans les canaux de diffusion, que l’État se sente obligé d’en financer autant ? D’une manière générale y-a-t-il une carence avérée de programmes télévisuels, qui justifierait un tel investissement ? Si l’État est prêt à consacrer 168 millions d’euros pour des émissions télévisées de jeux et de variété, alors qu’il manque 104 millions au budget et qu’il y a davantage profusion que pénurie dans l’offre de ce genre de programmes, alors il est capable de dégager autant voir davantage pour la pratique artistique qui souffre d’une carence manifeste depuis de trop nombreuses années. L’ argument qui consiste à dire qu’il faut aussi une offre, et une offre de qualité, en matière de variété et de jeux télévisés pour couvrir tout le champ d’une programmation généraliste, ne me semble guère pertinent au regard des enjeux de la pratique artistique.

La demande dans ces deux domaines que sont les conservatoires et la pratique artistique individuelle ou associative adulte est pourtant significative puisqu’elle concerne comme on l’a dit plus haut, près de 12 millions de personnes en 2008. Or, d’une part, le nombre de places dans les conservatoires est trop faible au vue des demandes et, d’autre part les pratiques amateurs associatives sont souvent pénalisées par un manque de subventions que de nombreux élus, par facilité et par souci de médiatisation, drainent vers des grosses structures de type festival, plus médiatiques, plutôt qu’irriguer un tissu associatif largement ignoré des médias mais qui fédère bien plus localement et surtout durablement. Ceci plaide pour une ré-allocation des ressources publiques afin de mieux équilibrer l’offre et la demande, à la fois en organisant différemment les moyens, les objectifs et les relations entre le ministère de l’Éducation nationale, le ministère de la Culture et le ministère de le Fonction publique pour ce qui est de leurs prérogatives en matière d’éducation artistique, et en encourageant la pratique artistique associative en direction de publics qui en sont encore trop éloignés. Car l’inégalité d’accès est aussi assez nette dans ce domaine : Si les cadres supérieurs et les professions libérales sont 11 % à s’être adonnés au chant ou à la musique en association ou entre amis en 1973 et 16 % en 2008, les ouvriers qualifiés sont passé de 5 % à 7 %, les non qualifiés de 3 % à 5 % , les employés de 6 % à 8 % et les retraités de 1 % à 7 % sur la même période12. Le marges de manœuvre sont donc assez grandes, que la résorption des budgets de subventions municipales actuels ne permettent pas d’exploiter.

Pour le moment les professeurs d’éducation musicale et de chant choral ainsi que les professeurs d’arts plastiques font partie de la fonction publique d’État, sont recrutés par concours puis formés. Ils doivent appliquer des programmes et reçoivent leur traitement par le seul canal du ministère de l’Éducation nationale. Un professeur d’enseignement artistique dans un conservatoire relève, pour son statut et son traitement, de la fonction publique territoriale, doit être titulaire d’un diplôme obtenu par concours et dispenser son enseignement suivant un cursus établi par le ministère de la Culture. Il me semble qu’il faudrait avoir des structures d’enseignement qui permettraient d’avoir une politique plus globale de l’éducation et de la pratique artistique de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte avancé. Ce qui suppose une réorganisation des moyens et une redéfinition des objectifs. Du point de vue des moyens il me semble indispensable de rendre plus poreux les différents champs d’interventions que sont les écoles, les collèges, les structures d’enseignement artistique des municipalités ou de leurs groupements.

Augmenter la pratique artistique devrait être un objectif quantifié ambitieux qui renforcerait considérablement le ciment culturel qui fonde notre société.

VI.2.2L’accès à l’enseignement

VI.2.2.a)le poids de l’échec scolaire…

En 1980 25,9 % d’une génération avait le bac13. En 2016, ils sont 78,6 % à l’obtenir. Outre la filière générale, le bac pro et le bac techno ont pu permettre à un nombre croissant d’élèves d’acquérir ce titre qui permet en particulier l’inscription à l’université. C’est une très bonne chose. Dans l’absolu… Si l’on peut regretter qu’à la fin d’une première année de faculté, un tiers des étudiants ne se réinscrit pas, et que 67 %14 des titulaires de bacs pros ne poursuivent pas dans le supérieur pour lequel il ne sont pas suffisamment outillés, c’est surtout pour ceux qui sortent du système éducatif sans aucun diplôme que les difficultés sont les plus grandes : « parmi les 2 760 000 jeunes de 15-24 ans qui ne sont plus scolarisés, soit 35 % de cette classe d’âge, 750 000 n’ont pas de diplôme, soit 27 % en moyenne pour la France métropolitaine »15. Ce qui signifie que cette frange de la population en âge de travailler et de se former a de très faibles perspectives d’évolution dans son emploi, quand elle n’a pas dramatiquement à faire face à un chômage de plus en plus long. Cet échec scolaire originel, n’est donc pas suffisamment corrigé par la suite, et pèse d’autant plus lourd que d’autres facteurs en accentuent les effets : un taux de chômage national élevé, avec de grandes disparités liées à l’inégale répartition des bassins d’emplois sur le territoire, une croissance faible, des besoins en augmentation de main d’œuvres et personnels qualifiés et mobiles, une discrimination à l’embauche qui touche en premier lieu les femmes. Tous ces éléments donnent au manque de diplôme un caractère inquiétant de handicap.

VI.2.2.b)…surtout pour les jeunes issus de l’immigration,

Les jeunes issus de l’immigration sont massivement touchés par cet échec : 24 % d’entre eux sortent du système éducatif sans diplôme contre 16 % de l’ensemble des jeunes16. Après une scolarité parfois courte, 30 % des jeunes issus de parents immigrés d’Afrique sortent du système éducatif sans diplôme, contre 15 % de ceux qui n’ont pas d’ascendants migratoires directs, soit deux fois plus17 Ce qui est grosso modo la même proportion pour le chômage, mais avec des taux plus élevés : 42 % contre 22 % .

VI.2.2.c)une maîtrise insuffisante du français pour les primo-arrivants

Une des raisons fondamentales de cette situation provient du niveau insuffisant de maîtrise de la langue française de nombreux parents de ces jeunes issus de l’immigration. Ce n’est pas de leur fait, le niveau d’exigence en langue française pour obtenir le droit de travailler était et demeure trop faible et l’accompagnement pour approfondir leurs connaissances du Français dans le temps est toujours insuffisant. Et il est évident que la faiblesse de la pratique et de l’écoute du Français chez lui représente pour l’enfant, issu d’une immigration dont la politique n’encourage ni ne favorise l’acquisition d’un meilleur niveau de français chez ses parents, un handicap qui le mettra en difficulté dans la plupart de ses apprentissages.

Le niveau de langue exigé actuellement en France lorsqu’il s’agit de venir durablement y travailler, est parmi les plus faibles d’Europe. Il est à peine peu plus élevé s’il s’agit de naturalisation. Si le niveau en langue française des parents est trop faible et que le Français est insuffisamment parlé à la maison, les heures d’enseignements dispensés à l’école puis au collège risquent de ne pas suffire. Il semble inévitable que les étrangers qui viennent durablement s’installer en France et qui peuvent avoir des enfants qui y seront scolarisés puissent avoir une connaissance de la langue qui leur permette de l’utiliser à la maison dans l’intérêt des enfants. Il faut une politique ambitieuse qui devrait déjà rattraper le retard actuel. En effet, « très peu de migrants primo-arrivants et signataires du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) ont accès à une formation linguistique ‒ un peu moins de 400 heures en moyenne. Ils ne sont que 20.000 à l’obtenir sur 100.000 signataires. «Il y a un écrémage énorme qui exclut beaucoup de gens. On juge qu’ils ne sont pas prioritaires. On manque en fait de moyens. Il faudrait au moins les doubler», juge Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. »18

Un rapport conjoint de l’Inspection Générale de l’Administration et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales daté de 2013 est explicite sur l’insuffisance du niveau de langue exigé pour les étrangers qui viennent en France en ayant signé leur Contrat d’Accueil et d’Intégration (CAI). C’est le niveau A1.1, rudimentaire19, qui est exigé alors que d’autres pays d’Europe – l’Italie et l’Allemagne qui ont adopté un dispositif semblable au CAI – exigent le niveau A220. « Ce niveau est jugé par tous les interlocuteurs de la mission comme notoirement insuffisant pour permettre une intégration dans la société française et pour y mener une vie autonome. Tous estiment que le niveau A1 devrait être un objectif minimal. »21 Soit encore un niveau inférieur à certains de nos voisins. Ce constat d’insuffisance est d’autant plus préoccupant que la loi fixant ce niveau date de 2007. Le rapport vient donc six ans après. Et l’on constate que, deux ans encore après celui-ci en octobre 2015, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat constate toujours que « la France est le seul pays dont l’objectif de maîtrise de sa langue par les migrants est aussi faible. » Cet avis du sénat a été donné dans le cadre d’un projet de loi adopté le 7 mars 2016.

Les dispositions qui ont été prises pour le Contrat d’Intégration Républicaine (en remplacement du CAI) fixent effectivement d’atteindre le niveau A1 au bout d’un an et A2 au bout de cinq ans de résidence. Autrement dit, la question du niveau d’exigence du français par les étrangers primo-arrivants, dont la plupart, y compris les étrangers eux-mêmes, s’accordent à dire qu’il est trop faible, n’est toujours pas réglée, par manque de volonté des pouvoirs publics de s’emparer du sujet. Ce qui signifie que les problèmes soulignés préalablement continueront à perdurer si rien de significatif n’est fait. La proposition de la commission du Sénat de porter au niveau B1 au lieu de A2 le niveau de connaissance du Français pour obtenir une carte de résidence, et à B2 au lieu de B1 celui requis pour la naturalisation semblait pourtant raisonnablement nécessaire.

VI.2.2.d)l’inégale répartition de la mixité

Une autre raison fondamentale est la sur-concentration de cette population issue de l’immigration, et par conséquent l’absence de mixité sociale, qui sont des facteurs qui ne favorisent pas le sentiment de partager un espace, une langue, une culture et au bout du compte peut-être, un avenir commun. Ces jeunes sont d’abord concentrés dans peu d’établissements :  70 % d’entre eux font leur scolarité « dans le quart des établissements qui affichent la plus forte concentration de cette population » ce qui représente plus de 40 % de leur effectif total, les plaçant ainsi dix points au-dessus la moyenne de l’OCDE.22Cette absence de mixité pour ces jeunes scolarisés provient pour beaucoup de la très grande disparité dans la distribution des logements sociaux ou de logements à coûts faibles sur le territoire (cf. VI.2.4.a).

VI.2.2.e)un système qui élargit les écarts de niveau du primaire à la fin du collège

Une dernière raison, que je ne connais que trop hélas, est que le système scolaire accentue les inégalités de niveau. De la sixième à la troisième, le collège n’arrive pas à corriger celles héritées du primaire : « Celles-ci se maintiennent pour la compréhension de textes courts, la maîtrise syntaxique et le raisonnement logique. Elles augmentent même pour deux autres compétences évaluées : les mathématiques et l’acquisition du vocabulaire scolaire. »23 Cette étude effectuée sur un panel d’élèves entrés en sixième en 2007 , corrobore les études de l’OCDE qui décerne régulièrement à la France le titre de « mauvais élève » dans sa lutte contre le creusement des inégalités au cours de la scolarité, domaine où la France devrait au contraire exceller.

VI.2.2.f)un chantier immense et complexe nécessitant une réforme de la gouvernance de l’enseignement .

Le chantier de l’enseignement est immense. Il concerne les différents types d’enseignement : général avec le primaire et le secondaire, spécialisé24, artistique avec notamment les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique ainsi que les écoles d’art, supérieur avec les universités, et les grandes écoles, la formation professionnelle, la formation continue. Il concerne différents acteurs qu’ils soient élèves, étudiants, parents, enseignants, chercheurs, personnels administratifs, entreprises, collectivités locales, associations et responsables politiques. Il vise, ou devrait viser, à donner la possibilité à chacun de prendre part au tissu culturel et économique de la société, de posséder les savoirs et les savoir-faire utiles à son épanouissement. Les interactions entre les différents acteurs dans les différents types d’enseignements sont multiples et complexes, elles concernent des millions de citoyens. C’est pourquoi, il me paraît nécessaire que les politiques d’enseignement et de formation soient conçues de manière globale et fassent travailler ensemble de manière pertinente et efficace plusieurs acteurs afin de mieux gérer :

  • la mixité des élèves (Ministères de l’éducation nationale, du logement, de l’aménagement du territoire et des collectivités locales, les collectivités elles-mêmes)

  • le niveau de langue des entrants (Affaires étrangères, Francophonie, Éducation nationale)

  • les échanges linguistiques européens (Éducation nationale, Affaires européennes)

  • le parcours d’enseignement en primaire et secondaire en le rendant plus modulaire dans le temps et moins dépendant du caractère annuel des heures d’enseignement (Éducation nationale)

  • l’égalité des chances en dotant davantage d’enveloppes horaires et d’encadrement les établissements qui en ont le plus besoin. (Éducation nationale)

  • un meilleur enseignement artistique en musique, danse, théâtre, arts plastiques, du primaire jusqu’à la fin du secondaire, intégrant les structures d’enseignement spécialisé (Éducation nationale, ministère de la Culture, collectivités locales)

  • la formation professionnelle et continue (Éducation nationale, Afpa, entreprises, collectivités locales, Ministère du travail)

  • la recherche (Ministère de l’enseignement supérieur, de l’économie, de la défense, laboratoires, entreprises, collectivités locales)

Cette liste n’est pas exhaustive et elle appelle à revoir les méthodes de gouvernance interministérielle, pour que les ministères travaillent davantage transversalement, et verticalement, c’est à dire en tenant compte de l’expertise des spécialistes et des professionnels de l’éducation de la sphère civile, et en s’assurant de l’adhésion la plus large des personnels administratifs, et des équipes au contact des bénéficiaires, élèves et parents. Trop de réformes se sont succédé en plus de quarante ans et chaque fois les termes du problème se résument essentiellement aux programmes, conçus en amont, et applicables comme autant de remèdes à un corps malade que l’on n’associe pas au traitement. Également, comme si l’enseignement était une sphère étanche à l’inégalité de la société, et l’on a vu plus haut comment l’inégalité pouvait être répartie sur le territoire, comme si le la disponibilité aux apprentissages de l’élève dans la durée était la même pour tous les élèves, comme si les élèves d’aujourd’hui étaient comme ceux d’hier.

Le problème de la mixité sociale en milieu scolaire ne sera résolu à grande échelle que lorsque la structure de la population en matière de niveau de revenu et de niveau culturel sera plus équilibrée dans les quartiers où sont implantés les établissements d’enseignement. En prenant en compte tous les facteurs d’inégalités, en particulier le revenu et le capital éducatif pour créer une indice global, on constate qu’ils sont concentrés dans certains quartiers de banlieues de grandes villes, ou dans certains quartiers de grandes villes ou le centre de certaines villes moyennes ou modestes. Ainsi, « Quelle que soit la région, l’inégalité est plus importante dans les villes même moyennes, voire assez modestes (Cholet, Moulins, Mont de Marsan, Morlaix, etc.). En revanche, même dans des régions où règne une grande inégalité dans les cantons ruraux, les cantons qui entourent les grandes villes jouissent d’une plus grande égalité […]. En quelque sorte, le centre des grandes agglomérations absorbe les facteurs d’inégalité, déchargeant de ce problème les communes suburbaines.»25   Parallèlement à une politique économique qui doit viser à éradiquer une misère sociale grandissante liée au chômage, à la précarité et à la pauvreté, une politique ambitieuse d’aménagement du territoire, de la ville et du logement, en particulier dans les quartiers de grandes agglomérations doit être menée. Il faut élaborer des moyens incitatifs ou au contraire contraignants pour que les facteurs d’inégalités soient absorbés de manière plus homogène dans les quartiers de toutes les villes et certainement aussi en développant une politique rurale dynamique, qui devrait même prendre la forme d’une véritable reconquête de nos territoires. Amélioration de la qualité de vie, des bassins d’emplois plus dynamiques, une meilleure attractivité des entreprises, des infrastructures qui relient mieux les espaces, une politique de désengorgement des banlieues et de réactivation des centres de villes petites et moyennes, des barres d’immeubles remplacées par un habitat moins dense, une couverture complète en téléphonie mobile et internet haut débit dans les territoires ruraux, un maillage en réseaux des communes rurales et une meilleure mise en valeur de leurs richesses culturelles, gastronomiques, artisanales, environnementales gages d’une meilleure qualité de vie pour les parents et les enfants… C’est là l’urgence absolue. Et non fondamentalement un problème de programme éducatif.

L’évolution dans les apprentissages est un problème qui appelle des réponses qui peuvent être pensées de manière collectives ou de manière plus individualisées. Il faut se fixer d’abord comme objectif l’acquisition d’un niveau de français suffisant sans lequel il est difficile d’accéder et d’avancer dans beaucoup d’autres disciplines. C’est pourquoi l’enseignement doit pouvoir se penser de manière plus modulable dans le temps. A la manière de ce qui est fait à avec les Unités de Valeur à l’université afin que l’ensemble des heures d’enseignement par discipline actuellement créditées soient distribuées davantage en fonction des besoins et des capacités du moment des élèves. Le système actuel est fondé sur la dotation annuelle en heure pour un niveau de classe et à un âge donné. Il fonctionne tant bien que mal pour huit élèves sur dix en moyenne, hélas beaucoup moins dans de trop nombreux établissements. Il doit pouvoir être préservé et amélioré car il représente un parcours d’enseignement et un contexte de vie de classe plus clair et plus stable pour la plupart des enfants. Mais conjointement, on pourrait imaginer un système où l’élève en difficulté en Français puisse avoir un enseignement dans cette matière plus fourni à un moment donné, c’est à dire davantage de crédits d’heures en Français tout en reportant ses crédits d’heures dans d’autres disciplines à un autre moment, – de manière à ne pas alourdir la charge horaire hebdomadaire- avant l’échéance du brevet ou celle du baccalauréat, et pourquoi pas même après, si l’on considère l’obtention de ces diplômes également de manière modulable. Bien sûr on pourra objecter que si ces heures de Français par exemple sont anticipées – plus d’heures en 6° et moins en 4°-3° par exemple – alors l’élève concerné n’aurait pas accès au même contenu sur la durée de cursus en collège. A cet argument légitime du point de vue de l’égalité d’accès à la connaissance on peut répondre que rien n’exclue – à part les contraintes budgétaires – la possibilité de proposer des crédits supplémentaires en français pour rattraper des éléments nécessaires, par exemple à l’obtention des diplômes du brevet ou du baccalauréat, à un moment où l’efficacité dans le travail de l’élève serait meilleure. Cet autre moment ne doit pas être laissé au hasard, mais pensé, organisé. Ce qui nécessite des modes de suivi plus individualisés des parcours d’enseignement de certains élèves, qui nécessiteront davantage de personnel spécialisé dans une forme de tutorat. Ces parcours n’excluant pas d’ailleurs d’y associer les parents autant que faire se peut, afin de faire accepter un parcours qui ne doit pas être vécu comme stigmatisant, mais davantage comme signe de volonté et de courage pour prendre en main son propre parcours. Cela s’inscrirait dans une logique de suivi des besoins plus larges pour un nombre croissant d’enfants souffrant de handicaps ou qui sont sujets à des troubles de l’apprentissage. De même les élèves méritants pourraient aussi bénéficier de suppléments de crédits de formation dans différentes disciplines.

L’évolution de la société explique aussi celle des élèves. Revenir sempiternellement à des méthodes anciennes qui auraient « marché » à une époque, invoquer systématiquement le « c’était mieux avant » peut d’autant moins se faire ou servir de justification que les enfants changent avec la société, plus exactement changent leur rapport aux autres et au monde. Celui-ci évolue vite, et la prise de conscience de ce changement est lente, tout comme l’émergence d’une vision positive de l’avenir. Trois raisons essentielles expliquent qu’il n’est pas possible d’appliquer d’anciennes méthodes sous prétexte qu’auparavant elles permettaient d’obtenir de bons résultats. La relation parent-enfant connaît des conflits d’une ampleur et d’une nature nouvelle ; la perméabilité croissante du monde des adultes, marqué par son lot de violences, de crises et d’incertitudes, avec celui des enfants tend à donner à leur environnement un caractère de plus en plus anxiogène ; la santé, l’hygiène de vie et l’environnement de travail des enfants sont devenus aujourd’hui des enjeux beaucoup plus cruciaux pour leurs apprentissages.

La relation parent-enfant pose naturellement la question de l’autorité parentale. Celle-ci passe idéalement aujourd’hui par le respect, le dialogue et la négociation et se caractérise moins par une forme « ascendante » indiscutable et exclusive. Or, les sujets sur lesquels les parents sont mis en situation de dire oui ou non à leurs enfants sont plus nombreux et potentiellement plus conflictuels qu’ils n’étaient il y a quelques années, en particulier dans une période qui tend à s’allonger de la pré-adolescence jusqu’à la fin de l’adolescence. Lorsque le choix des vêtements, de l’alimentation, des loisirs, des jeux, des outils de numériques était plus restreint voir inexistant, lorsque la pression des marques, la variété des produits sur des segments de marchés adolescents et enfants était moindre et n’engendrait pas une nouvelle forme de tyrannie domestique contre laquelle il est bien difficile de lutter parfois. Enfin, l’autorité parentale quotidienne ne se décrète pas par la loi, et il y a bien des raisons qui expliquent qu’elle ait du mal à s’appliquer. Faut-il plus de sévérité ? Plus de contraintes ? Chaque famille trouve plus ou moins aisément les solutions ad hoc et les enseignants, les éducateurs, et parfois la loi doivent rappeler la nécessité de l’autorité et de l’éducation. Mais c’est plus facile à dire à un moment qu’à faire dans la durée.

Le monde de l’enfance est quant à lui devenu de plus en plus perméable à celui des adultes. Les ravages de la pauvreté, du chômage précaire endurés par de nombreuses familles, le niveau de stress des adultes qui rejaillit sur les enfants26, auxquels s’ajoutent les horreurs de la violence du monde que les adolescents peuvent voir sur tous les écrans auxquels ils accèdent quotidiennement, peuvent s’avérer terriblement anxiogènes. La violence qu’ils peuvent s’infliger eux-mêmes à travers les réseaux sociaux qu’ils se sont appropriés extrêmement rapidement et dont ils dépendent maintenant dans leur recherche de construction d’eux mêmes, est, quant à elle, potentiellement dévastatrice. L’augmentation des cas de harcèlement sur le « Trombinoscope mondial » ou sur les services de partages de photos et vidéos en attestent. Ces facteurs modifient leur disponibilité aux apprentissages, leur curiosité, leur capacité imaginative et créative, leurs centres d’intérêts, leurs manières d’être et leur manières d’apprendre, sans oublier leur rapport avec leur corps, avec la consommation, avec la nature. C’est pourquoi un délicat travail doit être entrepris avec les parents pour les aider dans leur rôle d’éducation quand des signes montrent que c’est nécessaire. C’est aussi pourquoi le besoin criant dans les établissements en personnel qualifié en matière de santé – médecin, infirmier ou infirmière, psychologue scolaire – doit être comblé. Comme doit être satisfaite la nécessite de créer des espaces et des moments où les enfants qui ne connaissent que leurs quartiers et n’en sortent que très peu puissent se ressourcer dans un environnement sain, stimulant et qui leur permettent de mieux se connaître eux-mêmes.

La troisième raison concerne des aspects liés à la santé, à l’hygiène de vie et à l’environnement de travail des enfants. Leur poids, leur équilibre alimentaire, leur activité physique quotidienne, leur rythme de sommeil sont des enjeux fondamentaux pour eux, car de leur qualité dépendent leurs capacités de concentration, de mémorisation et de travail en classe et à la maison. Il est évident qu’un enfant ou un adolescent qui connaît un déséquilibre dans ces différents champs, risque de voir ses apprentissages en pâtir. La perte quotidienne d’heures de sommeil liée à l’usage croissant chez les plus jeunes des écrans27, ou bien à d’autres facteurs liés à une mauvaise alimentation ou à un manque d’activité physique sont à cet égard des enjeux de santé publique qui sont corrélés étroitement à l’échec scolaire. Et le phénomène est massif chez les adolescents : « près de 30 % des 15-19 ans sont en dette de sommeil et à 15 ans, 25 % des adolescents dorment moins de sept heures par nuit. Or, ils devraient en moyenne dormir neuf heures trente pour être en forme. »28. C’est pourquoi une politique de prévention et d’accompagnement puissante doit être menée pour réduire ces facteurs de risque d’échec scolaire, d’autant plus grands qu’on les retrouve bien entendu dans les familles les moins favorisées socialement. De même, la possibilité d’être isolé, au calme, d’avoir un minimum d’espace pour travailler sont des conditions minimales nécessaires pour apprendre et travailler correctement chez soi. Le bruit extérieur et ses effets sur le sommeil pose aussi des problèmes importants dans certaines agglomérations. Le bruit est d’ailleurs un enjeu de santé publique préoccupant et coûteux qui n’est pas pris en compte à sa juste mesure. En effet le Conseil National du Bruit (CNB) et l’Ademe estiment à 57 milliards d’euros le coût global annuel des nuisances sonores29. Les forts niveaux de bruit liés aux flux routiers, ferroviaires et aériens qui touchent  9 millions de français provoquent  en particulier des troubles du sommeil (ainsi qu’une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires). Or « les niveaux d’exposition au bruit recoupent largement la carte des inégalités sociales »30 impactant davantage les enfants de milieux défavorisés. Des solutions existent pourtant. Selon l’association bruitparif, il faudrait « adapter les plans d’urbanisme, créer des bâtiments -écrans sans habitation à proximité des sources bruyantes […] il faudrait profiter des opérations de rénovation thermique pour réaliser des travaux d’isolation phonique. » Pour le Dr Jean-Michel Klein, président du syndicat national des ORL, « la culture collective de prévention face au bruit, reste, pour l’essentiel à inventer ». Une directive européenne datant de 2002 a pourtant fixé un cadre. Transcrite en 2006 en droit français, les collectivités devaient dresser des cartographies et élaborer des plans d’exposition au bruit d’ici 2013 « mais elles sont majoritairement en retard »31.

La question de l’enseignement est donc complexe et nécessite de considérer ensemble tous les aspects que j’ai évoqués sans prétendre à l’exhaustivité. Elle nécessite aussi que tous les acteurs concernés puissent en débattre et s’accorder sur un processus d’amélioration qui ne soit pas remis en cause à chaque changement ministériel tous les deux ans. Un livre blanc de l’enseignement et de l’éducation sur cinq à dix ans doit être établi qui fixe des priorités aux différents ministères, mais aussi aux collectivités locales, aux associations, aux structures spécialisées, en ayant pour soin de les définir dans une perspective non seulement française mais également européenne. La garantie d’un vote du Parlement pour ne pas faire dépendre la mise en œuvre d’un tel livre blanc du calendrier électoral sera nécessaire. C’est pourquoi il faudra un large consensus car il nécessitera des arbitrages budgétaires conséquents qu’il faudra stabiliser voir « sacraliser ».

VI.2.3L’accès à l’emploi

 

VI.2.3.a)une absence de diplôme de plus en plus pénalisante,

De plus en plus le marché de l’emploi est marqué par une demande croissante de qualification. Or actuellement, 59 % des allocataires du chômage n’ont pas le bac et 27 % n’ont pas le brevet32. Ce qui signifie que s’ils n’acquièrent pas de diplômes ou de formations, leur chance de trouver un emploi demeurera faible. C’est ce que l’on observe en tout cas dans la période 2007-2012 où le taux de chômeurs parmi les non diplômés a grimpé de 4,4 points de 12,7 % à 17,1 % alors que le taux de chômage global a progressé de 2,4 points de 7,4 % à 9,8 % et que celui des diplômes de niveau bac +2 a progressé de moins d’un point de 4,7 % à 5,6 %33 Hélas, la probabilité d’avoir un meilleur diplôme croît avec le niveau de diplôme des parents. En particulier, l’accès et la poursuite d’études supérieures pour un jeune est d’autant plus élevée que ses parents, en particulier la mère34 sont diplômés du supérieur. En 2014 les étudiants à l’université étaient issus à 42,7 % de milieux de type professions libérales, cadres supérieures et intermédiaires contre 23,5 % du milieu ouvrier et employés – taux qui n’a pas évolué depuis 2008- 35.

VI.2.3.b)trop de secteurs en pénurie d’emplois qualifiés avec un investissement trop faible en recherche et développement.

La période de chômage, ou d’inactivité pour les moins diplômés doit être mise à profit pour acquérir une formation qui augmente l’employabilité, mais aussi permettre d’améliorer son niveau par rapport au socle de compétences et de culture. L’augmentation du niveau de Français écrit et de l’Anglais étant un préalable sur lequel tout le monde doit pouvoir s’accorder. Cela doit fonder l’action politique dans ce domaine, avec des moyens appropriés. Le problème posé appelle des réponses qui croisent à la fois les compétences d’intervention des collectivités locales, des associations, des chambres de commerce et d’industrie, des chambres des métiers, et de Pôle emploi ainsi que l’Éducation Nationale, et les besoins des entreprises. Il n’est pas sûr que tous ces intervenants interagissent de manière optimale pour résoudre le problème de l’emploi et de la formation, c’est à dire, pour une personne, avoir à un moment donné les compétences suffisantes pour satisfaire à une offre d’emploi, ou à s’employer elle-même, dans une économie qui en créé suffisamment. L’image des métiers est un aspect important de la question. Certains d’entre eux ont un réel besoin de revalorisation d’image. Par exemple, les secteurs en pénurie d’emploi sont pour moitié issus du secteur industriel36. Or, celui-ci est pénalisé par l’image des fermetures d’usine. Cela n’attire pas les jeunes, ni n’encourage leurs parents à les aiguiller vers ces filières. C’est donc un secteur en tension sur le plan de l’emploi. En conséquence, compte tenu de la pyramide des âges dans ce secteur où de plus en plus de salariés qualifiés vont partir en retraite, les entreprises industrielles trouveront de moins en moins les compétences suffisantes sur le marché, entraînant une perte de compétitivité et à terme des pertes de commandes et des fermetures…. De plus, l’industrie avance grâce à l’innovation, ce qui suppose d’avoir des employés formés aux nouvelles techniques et technologies avant d’être engagés, ou que l’on peut former en interne , et une politique en matière de recherche et développement qui la stimule. Les formations coûtent cher car les machines et les matériels évoluent nécessairement, et de plus en plus vite, ce qui suppose de doter les établissements de formation de moyens appropriés. De même l’investissement public et privé en matière de recherche et développement appelle des investissements en France plus conséquents. Et cela d’autant plus que la France accuse un certain retard dans son effort par rapport au PIB dans ce domaine : passé de 2,21 % à 2,24 % entre 1996 et 2013, le taux est passé en Allemagne sur la même période de 2,14 % à 2,83 %, et aux États-Unis de 2,44 % à 2,73 %, ce qui est toujours mieux que le Royaume-Uni qui voit passer son taux de 1,71 % à 1,66 %37.

VI.2.4l’accès au logement

VI.2.4.a)pénurie de logements pour foyers modestes

La question du logement – sa localisation, son coût, sa qualité – est certainement le deuxième plus grand défi à venir après la formation pour lutter contre les inégalités et l’accès à l’emploi. En effet, se loger est difficile, coûte cher, et le marché locatif n’est pas suffisamment fluide alors même que « la mobilisation du parc locatif privé, [constitue le] premier vecteur de la mobilité professionnelle »38. C’est ce que dit également le Conseil d’Analyse Économique : « Compte tenu des difficultés actuelles à se loger pour les personnes en CDD (où les jeunes sont surreprésentés) ou en recherche d’emploi, il est vraisemblable qu’il y a des perspectives importantes d’amélioration à travers une politique de fluidité accrue du marché du logement »39. La cherté du logement contribue à en faire le premier poste de dépenses des ménages français. Les dépenses de location en particulier absorbent une part des revenus d’autant plus grande que ces revenus sont faibles : « En 2010, les locataires du parc privé les plus modestes ont un taux d’effort net médian40 de 34 % contre 19 % pour les locataires les plus aisés ». Louer représente donc un coût très lourd pour les ménages modestes. Ceci est d’autant plus vrai que les logements qui leurs sont accessibles sont en pénurie. En matière de loi sur le logement social, les lois SRU et la loi ALUR, cette dernière étant récente puisqu’elle date de 2014, ne comblent pas un déficit de logements sociaux estimés à 700 000. Qui plus est, 1 115 communes sont déficitaires en logement sociaux. Ce qui en dit long sur la difficulté d’application d’une loi qui oblige les communes à avoir 20 ou 25 % de logements sociaux sur leur territoire. Au mieux il s’agira d’un foncier disponible qui peut s’avérer trop limité, au pire en raison de la volonté des maires de plaire à un électorat réfractaire à la venue de foyers modestes sur leurs communes.

VI.2.4.b)cherté du marché

La cherté des logements constitue une forte barrière à la primo acquisition et conduit à des loyers onéreux. Tout cela grève un pouvoir d’achat qui serait bien mieux employé à autre chose pour faire tourner l’économie. Depuis plusieurs années, les prix sont toujours très haut : « La baisse cumulée des prix depuis fin 2011, date du début du mouvement de correction, ne dépasse pas 6 %, à comparer avec une hausse cumulée de 150 % entre 1998 et 2011. » En douze ans les prix de l’immobilier auront été multipliés par 2,5. » 41Outre la raréfaction de l’offre, beaucoup d’analyses conduisent à remettre en cause les aides au logement car elles font monter les prix des loyers. C’est ce qu’explique le Conseil d’Analyse Économique qui recommande également de rendre plus équitable et transparente la gestion du parc social locatif42. Les ménages modestes ont de surcroît très peu de perspectives d’épargne pour leur permettre d’espérer acquérir un logement pour un coût aujourd’hui sensiblement égal à la location. Comme l’accès au logement dépend étroitement du revenu, lequel est lié au niveau de formation, lui même corrélé à celui des parents… on comprend aisément que se loger quand on est jeune est aujourd’hui d’autant plus difficile que l’on n’a pas de CDI ou des revenus d’activités propres réguliers, que l’on ne détient pas les diplômes et/ou l’expérience suffisants, et que l’on ne dispose pas d’une caution parentale acceptable43 Les bailleurs alors se font plus rares. Et si l’aide au logement peut paraître une idée altruiste légitime, il est hélas de plus en plus certain qu’elle a un effet inflationniste sur les prix et que finalement cette aide se retrouve dans la poche des bailleurs, ce qui n’était pas le but recherché initialement. Pour ce qui est d’acquérir, la difficulté est d’autant plus grande que l’on ne dispose pas en plus d’un apport personnel.

VI.2.4.c)poids croissant des donations et des héritages, fiscalité désavantageuse.

C’est là que l’héritage joue un rôle crucial, ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’égalité. En effet, de plus en plus de ménages vont hériter de sommes importantes : 12-14 % des personnes nées vers 1970-1980 « reçoivent en héritage l’équivalent des revenus du travail reçus au cours de leur vie par les 50 % des moins bien payés. »44 Et les projections atteignent 15 %, soit un français sur six né vers 2010-202045. Cette proportion n’était que de 4 à 5 % pour ceux nés vers 1930-195046. Cela veut dire en particulier qu’il est plus facile pour 12-13 % de cette génération avec de tels héritages d’avoir un apport minimum recommandé par les banques de 20 % du prix de l’acquisition lorsqu’on souhaite être propriétaire accédant, qu’il est aussi plus facile une fois acquis le logement de consacrer de l’argent à l’étude de ses enfants, à épargner pour eux et de leur transmettre à leur tour un héritage. Aujourd’hui les ménages qui bénéficient d’une donation ont 62 % de chance de plus d’acquérir un logement que ceux qui n’en bénéficient pas, 50 % de plus s’ils ont bénéficié d’un héritage. Ce n’est donc pas étonnant que, parmi les ménages qui ont acquis leur résidence principale, 8,4 % aient reçu avant une donation, 7,8 % un héritage, ce qui porte à 16,2 % la part des ménages qui bénéficient de l’apport de leurs aînés47.

Enfin les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont un obstacle à l’acquisition et à la mobilité : «Le niveau élevé des droits de mutation pénalise les primo-accédants qui ont un apport personnel faible et les ménages amenés à revendre fréquemment en raison d’une variation de revenus ou d’employeurs»48Le Conseil d’Analyse Économique préconise leur suppression avec une compensation via une refonte de la taxation immobilière et foncière arguant qu’il vaut mieux « taxer la détention que la transaction »49. C’est un sujet de débat important qui renvoie à celui d’une refonte plus globale de notre système fiscal (cf. V.5.3)

On le voit, la réduction de l’inégalité d’accès à la culture, à l’éducation et à la formation se heurte d’une part au poids des origines des individus, à celui de leur héritage culturel, financier et patrimonial, d’autre part au manque de mixité sociale dans les établissements scolaires et dans de nombreuses communes du territoire, enfin à une pénurie de logement sociaux, une trop faible fluidité d’un parc locatif trop cher, à une fiscalité immobilière désavantageuse et à un nombre d’emplois insuffisants pour lesquels manquent une indispensable offre de formation qualifiante de qualité, une revalorisation en terme d’image et un investissement conséquent dans la recherche-développement. Toutes choses qui échappent à la personne elle-même et sans considération de ses propres mérites. L’efficacité d’une politique de l’égalité des chances se mesurera a sa capacité à tenir compte de tous ces aspects, et de fixer des priorités dans chaque domaine.

Elle implique sûrement aussi une réduction des inégalités de revenu et de patrimoine qui ne cessent de croître à l’intérieur des pays et entre eux, car ces inégalités fragilisent non seulement les plus modestes qui ont peu de perspectives d’améliorer leur sort, mais aussi de plus en plus les États eux-mêmes, limitant par conséquent leurs marges de manœuvre en matière de politiques sociales.

Ces inégalités sont d’autant plus scandaleuses que la justice présente des dysfonctionnements inacceptables aux yeux des justiciables.

VI.3.Faire respecter l’usage des règles, bénéficier de l’efficacité et de la rapidité d’une justice indépendante.

Dans un contexte de creusement accéléré des inégalités, les scandales en nombre croissant liés aux comportements sans scrupule de qui cherche à profiter des règles et même à y déroger pour en tirer un profit personnel au détriment évident de l’intérêt général, imposent que soient prises des mesures d’une ampleur sans précédent, qui ne doivent cependant pas porter atteinte aux libertés publiques.

VI.3.1.a)Une succession de scandales financiers et de pratiques douteuses qui affectent l’économie

Les scandales financiers liés à la fraude fiscale -affaire Cahuzac, Panama papers- ou à la manipulation du Libor et de l’Euribor50, ne sont que quelques exemples de filouterie au plus haut niveau. Récemment c’est la Deutsche Bank qui est sous les feux de la rampe et fait trembler la planète financière en faisant courir un risque « systémique » à l’Europe, à l’instar de la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008, laquelle marqua le début de la crise dite des « subprimes ». Cette canaillerie en col blanc, invisible jusqu’à ce qu’elle éclate au grand jour, n’a pas fini de poser problème, les actifs « toxiques » ou « pourris » infestant encore le bilan de nombreuses banques dites systémiques : « Les taux de créances douteuses atteignent des niveaux alarmants en Grèce et à Chypre (50%), au Portugal (20%) et en Italie (16%). Ce fardeau bride, voire paralyse, la capacité des banques à accorder de nouveaux crédits, et donc à soutenir l’économie » 51 Demeurent donc les risques bancaires et les effets durables d’une politique d’austérité qui s’est exercée contre les citoyens en raison d’une crise de la dette souveraine des États européens consécutive à celle des subprimes – pertes d’emplois, pertes de pouvoir d’achat, perte de croissance – et qui n’a pas su répondre aux difficultés que des pays du sud européens en particulier ont affronté de plein fouet.

VI.3.1.b)Un difficile équilibre entre moyens de contrôle et libertés publiques

Les moyens internationaux de traques du blanchiment, les coopérations internationales ne suffisent pas. Les États ont encore des marges de manœuvre en particulier dans les accords qu’ils établissent entre eux pour permettre la transmission automatique des données bancaires. Procédé indispensable pour faciliter la lutte anti fraude dans le monde, ces transmissions n’ont commencé d’être effectives que depuis octobre 2015 52. De plus, tous les pays ne sont pas concernés. « A compter de 2017-2018, l’échange automatique d’information sera applicable dans plus de 80 pays »53. Seulement, pourrait-on dire. Enfin, s’il est indispensable de consacrer les moyens nécessaires à la traque de la fraude fiscale mondiale, il n’en est pas moins nécessaire de se prémunir contre les risques d’intrusion dans la vie privée que représentent les autorisations que la législation confère à la police dans le domaine de la surveillance des données numériques transitant sur les réseaux. Un équilibre doit être trouvé pour concilier l’efficacité des recherches avec la garantie des libertés publiques et de la plus grande rapidité d’exercice de la justice.

VI.3.1.c)Des liens problématiques entre pouvoir économique et pouvoir politique

Or le chemin vers un plus rapide exercice de la Justice, est, et c’est le moins que l’on puisse dire, encore long. Et pendant que les victimes attendent réparation d’un préjudice, les coupables profitent de leurs méfaits. En fins connaisseurs, ils ont pu abondamment profiter des dysfonctionnements et des lenteurs d’une justice, qui, en France particulièrement, manque tout à la fois de moyens et d’indépendance entre le ministère et les magistrats du Parquet. De plus, des liens protecteurs avec certains responsables politiques les ont préservés, quand ce ne sont pas eux-mêmes qui, de part leur responsabilité publique, ne sont pas directement les bénéficiaires illégaux. Le cas de Patrick Balkany est à ce tire assez révélateur : ses condamnations et ses mises en examen successives, qui auraient dû déjà depuis longtemps le disqualifier de tout mandat politique, n’ont pas empêché le président du parti Les Républicains, dans un premier temps, de l’investir aux législatives de 2017. C’est le tollé qui a suivi l’annonce de cette possible candidature qui a conduit Nicolas Sarkozy à l’en dissuader. Le cas de Serge Dassault, est aussi emblématique : le Sénateur est accusé actuellement d’avoir acheté des votes dans la ville de Corbeil-Essonnes, dont il fut un Maire déjà reconnu comme incompétent pour l’avoir si mal gérée, puisqu’elle a été mise sous tutelle en 2006. Le milliardaire54 propriétaire du Figaro ne se privait pas pourtant de prôner un libéralisme participatif, gage de succès économique en s’appuyant sur son expérience professionnelle de patron d’entreprise et un credo simple : « Trop de lois, trop de règlements, trop de charges, accablent les Français. »55 Il valait mieux donc les contourner, et se prévaloir de relations protectrices, notamment avec Nicolas Sarkozy, stratégie déjà cultivée par son père, Marcel Dassault, avec tous les partis politiques56. Mais les protections viennent aussi de l’immunité qu’un mandat procure, renforcée qu’elle est par des us et coutumes parlementaires encore en vigeur  : par deux fois les sénateurs, en majorité socialistes pourtant, avaient refusé de lever l’immunité de leur pair, ce qu’ils ont finalement concédé début 2014. La succession de Serge Dassault, 91 ans, augure du même genre d’histoire entre pouvoir politique et grand groupe industriel familial : financement de campagnes de responsables politiques, financement de partis, investissement dans de jeunes loups prometteurs, qui auront soin de rétrocéder qui des contrats d’armement ou de matériel électronique, qui des soutiens à des investitures, qui des garanties de non restructuration pour des projets européens, qui des promesses de non-nationalisation. Un des fils, Olivier Dassault est sur les rangs. Il est déjà député de la première circonscription de l’Oise – son grand-père le fut jusqu’à sa mort à 94 ans – et a manifesté son soutien à Jean-François Coppé pour les primaires de la droite et du centre. Malgré sa cuisante défaite aux primaires, l’avenir proche dira comment la succession se déroulera et si les anciennes pratiques auront cours avec d’autres politiciens désormais plus influents. Ces pratiques appellent de toute manière une action juridique ferme à l’encontre de tous les potentiels conflits d’intérêts entre pouvoir économique et pouvoir politique.

VI.3.1.d)Un manque de moyens dans le traitement de la justice.

Ce manque de moyens est, au-delà des cas présentés ci-dessus, préjudiciable aux justiciables dans les affaires plus communes et courantes, qui sont la majorité. Voyons un peu quelle est l’efficacité des moyens engagés par la Justice française. Ils peuvent s’évaluer à travers les observations suivantes, dont l’exposé ne vise pas à l’exhaustivité  57:

  • La France se situe à la 23° place parmi les 28 états de l’Union en 2016 pour sa part du PIB consacré à sa justice,

  • Le nombre de procureurs est insuffisant pour traiter les dossiers : « en 2014, la France a la 24e place sur 28 avec 10 juges professionnels pour 100.000 habitants »58 Idem pour le nombre de juges avec un taux de 10 pour 100 000 habitants, et 94 avocats (20° place) selon les mêmes sources

  • Le temps nécessaire pour trancher les affaires civiles, commerciales, administratives et autres en première instance a augmenté entre 2010 et 2014 : 304 jours en moyenne en France contre 19 au Danemark. Pour les litiges civils et commerciaux, le délai moyen est même de 348 jours contre 197 en Allemagne.

  • L’aide légale est de 5,2 euros par habitant en France. C’est dans la moyenne, mais loin des 8,5 euros consacrés en Allemagne

  • Le rapport de la CEPEJ rappelle à juste titre que « L’un des principaux aspects d’un environnement attrayant pour les entreprises est l’application correcte du droit de la concurrence ». Or le délai moyen en France du contrôle juridictionnel des décisions des autorités nationales de concurrence en première instance s’élève à un peu plus de 500 jours en 2013/2014 contre 100 environ au Royaume-Uni. Il est vrai que l’Allemagne bat un record en 2014 avec près de 1600 jours, mais c’est une maigre consolation.

  • La disponibilité d’informations en ligne sur le système judiciaire à destination du grand public pêche en France dans le domaine des informations sur la démarche à suivre pour engager une procédure.

  • Le dépôt électronique des requêtes était inexistant en France en 2014, alors que d’autres pays avait déjà couvert 100 % de leurs juridictions En 2016, il n’a pas l’air d’être encore opérationnel.

  • La question de l’usage des technologies numériques en particulier les communications électroniques entre les juridictions et les avocats représente un enjeu conséquent. Dans ce contexte, la création de l’acte d’avocat électronique pouvant se substituer à l’acte papier prévu pour sécuriser les actes juridiques semble de bon augure, tout comme l’informatique en nuage59 sécurisé pour les avocats, et une plate-forme, avocat.fr, pour faciliter les échanges. 2016 marque visiblement une année charnière, mais que le retard est grand. Les États généraux de la prospective, de l’innovation et du numérique, organisés par le Conseil national des Barreaux (CNB) qui présentait ces innovations ne se sont réunis qu’en juin dernier.

Il est assez clair que c’est par une augmentation du budget de la justice, du nombre de magistrats, et par le développement des aides juridictionnelles et des technologies numérique que les délais, les risques juridiques et le manque d’information se réduiront.

VI.3.1.e)Une indispensable réforme constitutionnelle pour l’indépendance des procureurs

Examinons maintenant la question de l’indépendance de la Justice. C’est contre les dérives et les conflits d’intérêts que les juges doivent pouvoir exercer leur rôle et bénéficier de la plus grande indépendance en particulier vis-vis du ministère de la Justice. Ils doivent sanctionner sévèrement d’un côté les personne morales ou physiques qui visent à préserver ou développer illégalement leur intérêt privé, et de l’autre l’abus ou le contournement des règles par des responsables politiques pour leur propre profit ou celui d’intérêts privés. Or de ce point de vue le quinquennat qui s’achève n’aura pas aboutit à couper le cordon entre les procureurs et le ministère. Un projet de loi qui vise à ce que le garde des Sceaux nomme les magistrats du Parquet sur avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature a pourtant bien été adopté par les deux assemblées mais « ce projet ne deviendra définitif, en application de l’article 89 de la Constitution, qu’après avoir été approuvé par référendum ou par le Parlement réuni en Congrès »60. Or, le président de la République échaudé par l’affaire de la déchéance de la nationalité ne proposera pas de referendum et comme entre temps, le Sénat a basculé à droite et que les fidèles du parti Les Républicains ne veulent pas faire au président de la République le cadeau d’un Congrès réussi à Versailles, il ne sera pas réuni avant les prochaines élections présidentielles. Il est pourtant vital que les magistrats du parquet ne puissent pas être instrumentalisés pour servir d’autres intérêts que celui des citoyens. En 2009, Nicolas Sarkozy, alors Président, avait tenté de supprimer la fonction de juge d’instruction pour confier toutes les enquêtes pénales aux procureurs, sans modification de leur statut. En 2011 le procureur Courroye, jugé trop proche du pouvoir, avait dû céder la place à un juge indépendant dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Enfin, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France a plusieurs reprises sur l’absence d’indépendance des procureurs, celle-ci renâclant à s’aligner sur les standards juridiques européens.

Cette réforme constitutionnelle pour l’indépendance des procureurs s’impose et il conviendra de l’engager dès le début du quinquennat prochain par référendum. Elle devra s’inscrire dans l’actuelle élaboration d’un parquet européen61, œuvrant dans un espace pénal européen, qui attend encore des garanties sur son indépendance, son renforcement, son champ d’application et ses moyens pour défendre au mieux les intérêts financiers de l’Union, en s’attaquant particulièrement aux structures, aux réseaux financiers et aux hommes qui les exploitent dans un but criminel.

1in « Le capital au XXI° siècle ». Op. Cit. p 47

2ib. p 48

3In « Les discriminations liées au handicap et à l’état de santé » www.defenseurdesdroits.fr. 2015

4« Zéro sans solution » : Le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches » 10 juin 2014.

5DEPS http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/evolution73-08/CE-2011-7.pdf

6DEPS Olivier Donnat. Les inégalités culturelles. Qu’en pensent les Français ? [CE-2015-4] 2015

7In Les pratiques en amateur Exploitation de la base d’enquête du DEPS « Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique – Année 2008 » p 6.

8DEPS

9Financement de la culture ; Chiffres clés 2012 La documentation française p 227

10In « L’apport de la culture à l’économie en France » Inspection générale des Finances. Inspections générale des affaires culturelles. Déc 2013. p 2.

11In rapport d’activité annuel 2014. 1,2,3,4,5 Ô France télévisions p 6 et suivantes

12Synthèse des études du DEPS sur les pratiques culturelles des français. 1973-2008

13INSEE :http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07252

14In « Inégalités sociales et migratoires. Rapport Scientifique Sept. 2016. Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités ? » Cnesco p 66.

15in « Atlas académique des risques sociaux d’échec scolaire : l’exemple du décrochage » Deep et Cereq.

16In « Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ? » France stratégie p 6

17 Selon l’organisme France stratégie

18In « Indice Mipex: la France pas bonne élève en matière d’intégration des migrants » par Aude Lorriaux. Slate.fr

19Par exemple : « ​​Je peux communiquer, de façon très simple, à condition que mon interlocuteur se montre compréhensif, parle très lentement et répète si je n’ai pas compris. »

20Par exemple : « ​​Peut comprendre ce qui lui est dit clairement, lentement et directement dans une discussion quotidienne simple à condition que l’interlocuteur prenne la peine de l’aider à comprendre. »

22Chiffres tirés de l’étude de France stratégie commentés dans l’article https://savoir.actualitte.com/article/analyses/689/l-echec-scolaire-touche-massivement-les-jeunes-issus-de-l-immigration

23MENESR-DEEP note d’information n°25 août 2015

24Pour les élèves en difficulté scolaire ou en situation de handicap

25in « Les inégalités territoriales et sociales » Institut Montparnasse. Hervé Le Bras.Directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Directeur de recherches émérite à l’INED

26la France est un des pays de l’UE où le stress au travail est le plus élevé , renforcé qu’il ait dans les milieux défavorisés : «  pour le quartile des revenus les plus modestes, la proportion des Français qui se déclarent tendus est de 38% (contre une moyenne européenne de 27%)

27« Les adolescents passent près de cinq heures par jour à 11 ans et plus de huit heures par jour à 15 ans devant les écrans » Le monde 7 décembre 2016 citant le rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

28Source http://inpes.santepubliquefrance.fr/30000/actus2013/041-sommeil-ados.asp

29In Alternatives économiques n° 359 Juillet Août 2016 p 35

30ib.

31ib.

32UNEDIC études et analyses n° 12. Juin 2015

33Observatoire des inégalités. Insee. « Le taux de chômage selon le diplôme » 30-01-2015

34INSEE . http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES424-425G.pdf. Tableau 3 p131 : parmi les personnes dont la mère est diplômée du supérieur, 71,7 % sont aussi diplômés du supérieur, alors que le taux est de 65,5% pour les pères.

35INSEE. http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07150

3633 % pour le tertiaire, 9 % BTP, 7 % logistique, 1 % commerce de détail. Chiffres Ressource groupe Ranstadt

37Dépenses en recherche et développement (% du PIB) site de la Banque Mondiale

38dossier de presse 20 janvier 2016 Visale, le nouveau dispositif Action Logement qui connecte emploi et logement

39In « La politique du logement locatif ». CAE document de travail. 24 octobre 2013.

40Le taux d’effort est le rapport entre la somme des dépenses liées à l’habitation principale et les revenus des ménages. Le taux médian ici est celui qui divise la population aux revenus les plus modestes en deux parties égales.

41Olivier Eluère, économiste au Crédit agricole. Cité dans le Monde « Immobilier : cette fois, c’est vraiment le moment d’acheter » 27-09-2016

42Ib étude du CAE

43La garantie Visale, « est un dispositif gratuit de cautionnement apporté par Action Logement à des salariés qui louent un logement du parc privé, sécurisant les revenus locatifs du bailleur en cas d’impayés de loyers (charges comprises) du locataire. » Elle est encore trop récente pour en mesurer les effets.

44op. cit. Thomas Piketty. p 671

45ib. p 670

46ib. p 670

47In « Inégalités de patrimoine entre générations : les donations aident‑elles les jeunes à s’installer ? Luc Arrondel, Bertrand Garbinti et André Masson. Économie et statistique n° 472-473, 2014 p75

48In « Des pistes pour faciliter l’accès à la propriété des CDD » Le Figaro Immobilier. 18 octobre 2016.

49In Document de travail du CAE sur le marche du logement. Le prix de l’immobilier et les politiques inflationnistes ». Alain Trannoy, Etienne Wasmer. 2013 p 49

50Taux interbancaires, auxquels les banques se prêtent entre elles, pour le marché londonien ou européen, qui ont fait l’objet de 257 manipulations entre 2005 et 2009 par des traders de la banque britannique Barclays mais aussi de la Société Générale et de la Deutsche Bank.

51La Croix n° du 6 octobre 2016. « Comment restaurer la confiance dans les banques européennes ». Marie Dancer.

522 octobre 2015, entrée en vigueur des accords FACTA, arrêté français du 5 octobre pour le traitement automatisé.

53« Fiscalité : où en est l’échange automatique d’informations bancaires ? » Par Georges-David Benayoun et Marjolaine Martin, Avocats. Village-justice.com

54Fortune estimée à à 15,8 milliards de dollars en 2016 selon le magazine Forbes.

55In « Un projet pour la France » Serge Dassault. Ed. Le Layeur – Valmonde (mai 2001). Quatrième de couverture.

56« Je les ai tous payés » confia-t-il au début des années 80. Mediapart « Dassault: cent ans de subventions ». 1er octobre 2013 par Martine Orange.

57Les caractéristiques suivantes, sauf indications contraires sont tirées du « Tableau de bord 2016 de la justice dans l’Union européenne » et de l’étude sur le fonctionnement de la Justice en Europe réalisée par la Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) daté de mars 2016.

58In Les Echos « La justice française, parent pauvre de l’Europe » 3 mai 2016 Jean-Michel Gradt

59Le « cloud » américain que le Québec a joliment nommé infonuagique.

60Projet de loi Constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

61L’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’UE permet la création d’un parquet européen depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. En 2013 les négociations pour y parvenir débutent. Une issue favorable est espérée pour fin 2016.